Peut-on faire quelque chose pour les enfants de Gaza ? En me posant cette question, je suis parti pour cette bande de terre qui a focalisé, plusieurs semaines, l'attention du monde. En me rendant là-bas, je pensais au Dr Rieux, le personnage de La Peste, le roman d'Albert Camus. « Il faut soigner les corps », disait Rieux. Il faut aider ceux qui souffrent, les enfants en priorité, comme si la peste de la politique n’existait pas.
Ce que je retiens d'abord, c'est la frappe psychologique : les enfants ont peur de jouer dehors. Pourquoi ? Parce qu'ils ne comprennent pas et ne peuvent pas expliquer… C'est le syndrome de la guerre, que j'avais déjà trouvé, jadis, à Sarajevo. Il faudrait peut-être envoyer là-bas des psychothérapeutes, plutôt que des chirurgiens.
Ensuite, si les médias nous ont abreuvé d'images, j'ai trouvé sur place une image différente. D'abord, il n'y a pas de pénurie de médicaments et l'hôpital Shifa n'a jamais manqué de médecins, grâce a une mobilisation immédiate des praticiens des pays des environs, Égypte, Jordanie, Arabie Saoudite, Soudan… Et surtout, l’évacuation vers l’Égypte s’est faite et se fait encore : j'ai vu des kyrielles d’ambulances qui partaient vers cette frontière.
Mais on m'attendait à l'hôpital pédiatrique Nasser, pour ausculter les enfants souffrant du cœur. J'en ai vu 120 en quelques jours, recevant jusque tard dans la nuit.
Comme tous les jours à Paris ou ailleurs, j’ai rencontré des cardio-pédiatres formidables, très bien formés, et la quasi totalité des enfants que j'ai vu avaient été examinés dans les hôpitaux israéliens. Certains avaient même des rendez-vous opératoires pour ce mois de janvier ! Rendez-vous raté, et leur vie est maintenant menacée par la maladie cardiaque. Pour leur permettre d'être opérés rapidement, j'ai proposé de les évacuer vers la France… Accord général, même le Hamas a donné son aval.
Mercredi 4 février à 17 h 23, après 6 heures d'attente, 7 premiers enfants cardiaques ont passé la frontière… Mais ces petits ne viendront pas se faire soigner en France : l'Égypte, qui tient à contrôler ce qui se passe à Gaza, a autorisé ces enfants à entrer sur son territoire, mais avec interdiction de s’envoler pour Paris ! Ils seront donc opérés au Caire.
Moralité de l'histoire : ma philosophie est de tout mettre en œuvre pour sauver des enfants en danger.
À Gaza, la solution n'a pas été celle à laquelle j'avais pensé, mais ces enfants seront sauvés.
Cependant, l'affaire n’est pas terminée : il reste à Gaza 70 petits garçons et petites filles à opérer d'urgence de leur cœur malade…
Les commentaires récents